Philibert de Montgascon, duc antiparon des Franges de la Mason, petite province au décor déchiré par les vents marins du nord de l’empire, était au sommet de la colline qui bordait la plaine verte des Trousons, aux abords de la forêt verdoyante de Nicon, forêt principalement d’hêtres et de chênes, la cime des arbres pliant sous le poids du vent ménéstral soufflant en cette journée de mai, comme s’ils portaient en eux le poids de la culpabilité des massacres que les hommes perpétraient à quelques pas de là, d’où il pouvait observer la bataille en cours, étape soit-disant décisive de la guerre déclenchée il y a de celà 5 ans quand l’empire austral des Perons, à l’histoire toute aussi guerrière que celle de la Compagnie des Quarante Monts qui fonda l’empire il y a une soixantaine d’années, après avoir arraché un bout du royaume antérieur de Genoia lors de la guerre ganco-draconide, attaqua les royaumes voisins d’au-delà des Franges, Amstro et Poiny. L’histoire finirait par montrer que les batailles des Franges n’étaient rien d’autre que les soubresauts inutiles d’un conflit depuis longtemps résolu puisque les flots de l’histoire allaient bouleversés la géopolitique locale lorsque les habitants de la plaine de la Grande Pastor, en se soulevant contre la hausse des taxes sur la marchandise, marchèrent sur la capitale de l’empire, renversant l’ordre millénaire du monde et entraînant avec eux le reste du continent dans la grande marche de l’Histoire.

Philibert vit ses cavaliers guinous, aux armures de fer pateu, alliage typique des marches du Nord des terres aroginoises aux propriétés de résistance étonnante, dont la jointure carrée serrait le bras pour assurer la liaison entre les bouts de l’armure et dont le blason doré virevoltait aux vents du sud austral, attaquer le flanc droit de l’armée amstroise, composée principalement de fantassins caroqinois, parés de lances draconides à la pointe aussi escarpée que le sommet des Monts d’Argent, contrée lointaine mais dont les légendes caroqinoises placent l’origine des peuplades de Caroqine au cours d’une migration multicentenaire qui aurait eu lieu il y a de cela deux mille ans suite à un changement climatique ayant entraîné une sécheresse des canaux d’irrigation des champs communaux des Collines Aciériques, aux pied des Monts d’Argent. L’offensive cavalière se solda par une percée fulgurante dans les rangs des fantassins qui rompirent d’un seul homme leur formation pourtant entraînée et forgée depuis désormais deux décennies, lorsque cette branche armée fut employée pour la première fois dans les guerres amstro-poinysoises qui déchirèrent les deux royaumes voisins pendant près de 30 ans.

Profitant de la brèche ainsi créée, aidée en outre par la malléabilité du sol due au mélange naturel de limon, laissé là par la rivière aujourd’hui tarie qui jadis courait ce segment de la plaine verte des Trousons, lorsque les grands travaux agricoles du duc antiparon Geodrand de Montgascon, père de l’actuel duc antiparon des Franges de la Mason, eurent tôt fait d’assécher ce joli petit ru pour venir grossir les canaux d’irrigation de la plaine des Basars, et de sable, sans doute vestiges de la mer antique qui couvrait cette région, lorsque les caroqinois logeaient tout juste dans les Monts d’Argents, et que de l’autre côté de celle-ci naissaient alors les premiers peuples unifiés de Capora dont le retrait progressif de la mer avait forcé la migration progressive de l’autre côté de ce qui est désormais le Lioran, le grand désert par-delà les terres, et les pluies récentes du doux printemps qui caractérisaient le temps des Franges de la Mason, favorisant la culture des salades de la belle saison, dont les épinards de Trousons, grande fierté des paysans locaux, pour ceux du moins qui n’étaient pas partis pour la plaine des Basars, les cavaliers écrasèrent d’une fascinante violence, violence que les vilains environnants allaient bientôt subir à leur tour, lorsque, suivant les révoltes de la Grande Pastor, ils se révolteraient contre le nouveau pouvoir en place, ce flanc et continuèrent leur victorieuse avancée dans les rangs vaincus.

Voyant au loin la victorieuse cavalerie, les fantassins paroniques, unité composée pour la plupart de serfs levés par les comtes de la Frange ainsi que les comtes des duchés environnants, tels que les Marches de Poiny, situées plus loin, à l’est des Franges, duché à la terre plus aride que la Frange en raison du sol argileux le couvrant, probablement du fait de la mer antique, ainsi que les Marches de la Mason, au sud des Franges, ancien avant-poste séparant l’antique royaume de Genoia des terres désunies des peuplades de la Mason, avant que la colonisation de ces terres ne vînt progressivement unir ces peuples au sein du royaume, formant par la suite les Franges, dont la culture singulière se détache toujours parmi la culture gancoïse et l’élite peronnaise qui domine aujourd’hui l’empire, entamèrent un assaut violent contre le centre de l’armée amstroise, principalement constituée de fantassins amstrois portant le traditionnel tabard à jonquille, emblème millénariste adopté depuis peu par la religion des Cinq Cents, pratiquée par l’essentiel de la population du royaume d’Amstro, célébrant l’existence d’une déesse unique, divisée en cinq cents esprits terrestres lors de la création du monde, qui ne purent contenir la force des fantassins paroniques, menant en déroute le contre-assaut que menait le flanc gauche amstrois et permettant aux soldats de la Frange de remporter la victoire.

Notes de publication

Histoire finie le 08 octobre 2025, corrigée et publiée le 16 décembre 2025